Ca m'énerve de voir tous ces gens qui se prétendent différents, sans pour autant l'être vraiment.
Avant, je pensais que j'étais à part, que je n'étais pas dans la norme, je considérais le monde comme une masse informe et terne, et les autres gens étaient tous pour moi des produits de cette société de consommation, sans personnalité, addicts à Facebook et à l'américanisation, écoutant une musique commerciale et sans intérêt. J'avais le sentiment de me sentir différente, pas très à l'aise dans cette foule qui ne semblait pas partager ni mes pensées les plus profondes, ni ma vision de la vie actuelle. Je me plongeais dans les livres et les poèmes des temps anciens, car pour moi un texte de 200 ans avait toujours plus de valeur que les articles que l'on trouve dans les magazines d'aujourd'hui, écrits par ces bobos parisiens tous plus huppés les uns que les autres, se prétendant intelligents mais rabâchant sans cesse les mêmes idées, celle que le monde part à la dérive et qu'on ne peut rien y faire. Je pensais que j'étais différente, oui.
Et puis un jour, j'ai fait une rencontre. Quand je dis que tout nous sépare, à première vue, c'est vrai. Elle s'habille bien, prend du temps à se coiffer, à se maquiller chaque matin ; je ne me coiffe presque pas et je me fous de mon apparence. Elle écoute Diam's et Grand Corps Malade ; j'écoute du rock et du métal. Elle est accro aux beaux acteurs et aux séries américaines ; j'adore Fabrice Luchini et Kaamelott. Sa couleur préférée est le rose bonbon ; je suis fan du rouge carmin. Elle adore les chiens, je les supporte peu ; elle aime prendre des photos dans son jardin avec ses amies et le Canon Reflex de son père, avant elle cette idée m'aurait paru absurde. Elle change souvent sa photo de profil et son statut Facebook, et elle a un blog. Elle parle souvent de garçons, elle aime raconter ses journées à ses amies ou sa famille, et quand elle est seule chez elle, elle écoute des musiques à en faire trembler les murs, des chansons profondes, des chansons pour danser, des chansons pour oublier.
Vous pourriez penser que c'est une fille banale, comme toutes les autres filles de cette planète, parce que son existence est rythmée par les mêmes choses que nos vies à nous : la télévision, la radio, Internet, les cours, les amis, la famille. Vous pourriez vous dire que des filles comme elle, on en croise à tous les coins de rue. Seulement voilà, cette fille, malgré toutes ces différences qui nous séparent, malgré le fait que je déteste ce monde si gris, si commun, si uniforme, elle m'a appris une chose qui est, je pense, la plus belle leçon que j'ai reçue de ma vie. J'ai appris à la connaitre, au fur et à mesure des années. J'ai compris que si elle écoutait Diam's ou Orelsan, ce n'était pas parce que c'était une wesh refoulée, mais pour la beauté de leurs textes qu'elle m'a appris à apprécier. Si elle porte une si grande importance à son apparence, c'est parce qu'au fond elle ne s'est jamais trouvé jolie, à cause de la souffrance que lui a toujours procuré ses yeux, son corps. Alors elle a toujours autant redoublé d'efforts pour qu'on lui prouve que si, elle l'était, jolie. Si elle aime tellement se droguer aux séries, c'est parce qu'elle trouve en elles le moyen de se libérer de cette vie qu'elle a du mal à aimer autrement, alors pour réussir à l'apprécier, elle s'est mise à la rêver au travers des histoires d'autres personnes. Cette fille, elle m'a appris qu'un simple sourire sur un visage peut être non pas la preuve que ce visage est heureux, mais celle que la personne qui le porte a trouvé en lui la seule raison de se battre, de continuer à rester forte. Et elle m'a appris qu'un regard pouvait apprendre beaucoup plus de choses sur une personne qu'on ne pouvait le penser, et que des yeux pétillants pouvaient parfois trahir une souffrance indicible. Elle m'a appris que chaque fille que l'on trouve banale ou normale, a peut être souffert bien plus dans sa courte vie que d'autres en 40 ans.
J'ai critiqué cette société, j'ai critiqué tous ces gens au fond de moi. Mais je ne suis pas mieux. On est tous des produits de cette société. Nous sommes tous uniques, nous sommes tous différents ; nous sommes tous les mêmes. Tous, mêmes les plus grands, même les plus pauvres, même ceux auxquels on ne pense pas parce qu'ils sont en train de crever la dalle au Mali.
Cette fille, c'est ma meilleure amie. Elle m'a appris à regarder au-delà des apparences, et à ne jamais, jamais, se contenter des préjugés. Elle m'a rendue humble et heureuse, et elle m'a appris que la seule manière de me sentir réellement différente, c'est de le lire dans ses yeux à elle. Alors s'il vous plait, avant de vous prétendre différents, apprenez à vous ouvrir aux gens ; car le plus souvent ils ont beaucoup plus à dévoiler que ce que vous osez penser.